« J'ai mal. J'ai mal. J'ai mal. » Elle gémit de douleur, pour la énième fois depuis des heures. Voilà une dizaine de minutes que Sofya était entrée en salle de travail, et que ce dernier avait bien commencé. Elle sentit un baiser se déposer sur son front, et ferma les yeux instantanément. Malgré qu'elle ne se montre pas exactement aimable avec lui en ce moment, la présence de son désormais mari l'apaisait beaucoup. La jeune femme tentait bien que mal de contrôler sa respiration, mais les contractions qui étaient de plus en plus rapprochées ne semblaient pas être de cet avis. « Madame, à trois vous pouvez commencer à pousser, d'accord ? » Elle soupira, et se tordit de douleur. Aucune des positions dans lesquelles elle s'était mise ne lui avait convenue, son humeur n'en n'était que plus massacrante. Le jeune homme vint se mettre derrière elle, et lui présenta ses mains. « Sers aussi fort que tu en as envie. » Elle les saisit sans même prendre la peine de le remercier, et encore une fois, soupira. Entre deux inspirations, elle tenta d'articuler quelque chose de compréhensible. « Aaron Deakins, je te haie. Tout ça, c'est de ta faute. » Pour le meilleur et pour le pire, ainsi avaient été leurs vœux de mariage, le jeune homme supposa qu'ils étaient en train de traverser le pire. Sa réplique fit sourire les sages-femmes présentes dans la salle. L'une d'entre elle adressa un regard compatissant au concerné, lui faisant comprendre que la fatigue, les hormones et la douleurs avaient pris le contrôle de sa femme, et surtout, que c'était normal. Il sourit malgré lui, il fallait avouer que la situation était plutôt comique. « Moi aussi, je t'aime Sofya. » Elle l'aurait probablement frappé s'il s'était trouvé devant elle. « Un. » Elle pressa les mains de son mari, se préparant à donner de ses forces. « Deux. » Elle prit une grande inspiration, et poussa, sans attendre le signal. Sofya venait certainement de broyer les os d'Aaron. Au sens propre. « C'est bien ! Allez, encore une fois ! » Elle secoua la tête, elle avait l'impression d'avoir été vidée de ses forces. « Je veux mourir. » Elle déglutit, et répéta ce qu'elle venait de faire. Avant qu'elle n'eut le temps de reprendre son souffle, elle entendit un cri. Elle fit alors l’effort d'ouvrir les yeux, mais ses paupières lui paressaient lourdes. « Bébé numéro 1! » Elle sourit malgré elle, alors qu'on lui posait l'enfant sur sa poitrine. Malheureusement elle n'eut pas le temps d'en profiter car on le lui reprit aussitôt. Trop fatiguée pour protester, elle soupira. « Vous êtes prête ? » Oh. Elle en avait presque oublié qu'elle avait porté non pas un, mais deux bébés. Deuxième cri, deuxième victoire. Les larmes se mirent alors à couler le long de ses joues, elle était en train de se transformer en une véritable fontaine, elle y était arrivée. Elle avait déjà oublié la douleur, elle voulait seulement les voir. Son rêve était devenu réalité, fonder sa propre famille.


Sofya saisit l'un des tabourets du bar, et vint le placer au centre de la pièce, juste avant de monter dessus. Elle dévissa l'ampoule, qui était grillée depuis plusieurs jours déjà, et la remplaça avec une, toute neuve. Avant qu'elle ne redescende, elle entendit un bruit sourd, puis des pleurs provenant de la pièce d'à côté. Son sang se glaça, aussi bien qu'elle ne prit pas la peine de descendre correctement, et sauta, manquant au passage de se faire mal. Elle laissa tomber la vieille ampoule sans s'en rendre compte, et se précipita dans la salle de jeux. Ses deux enfants, tous deux âgés de trois ans s'y trouvaient, l'un des deux avait le front ensanglanté. A cette vue, elle ouvrit grand la bouche, mais tenta de garder son calme. « Olala. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Elle prit son fils dans ses bras, et ce dernier lui indiqua du doigt un coin d'un meuble. Elle fit la moue, et chercha à évaluer la gravité de la blessure, sans pour autant y parvenir. Sofya se mordit la lèvre, et tenta comme elle put de calmer le petit garçon, dont les larmes coulaient. Elle se rendit dans la salle de bain, l'enfant dans les bras, et nettoya la plaie qui ne lui paraissait pas très profonde. Seulement elle n'était pas médecin, il fallait qu'elle soit certaine que rien de grave n'était arrivé. Elle habilla les deux petits êtres ; direction les urgences. Alors qu'ils étaient en train de partir, elle tenta de joindre Aaron, sans succès. Elle soupira, énervée. Après trois appels successifs, elle lui laissa un message, lui demandant de les rejoindre à l'hôpital. En une dizaine de minutes ils étaient arrivés et heureusement pour eux, le service n'était pas surchargé. On prit le petit rapidement en charge, et c'est angoissée qu'elle patienta qu'on examine l'enfant. Sa fille sur les genoux, elle suppliait le docteur du regard, afin qu'il lui annonce que ça n'était rien qu'un « vilain bobo ». Après examen, l'enfant semblait aller largement mieux, sucette en main, il riait même déjà. Soulagée, la jeune femme sortit de la salle, main dans la main avec ses enfants. Aaron se tenait là, dans le couloir, le visage fermé, comme souvent dernièrement. Il se dirigea vers eux, l'air inquiet. « Il va bien ? » Il le prit dans ses bras, regardant à peine la jeune femme. « Oui. Plus de peur que de mal. » Elle esquissa un sourire, qu'il ne lui rendit pas. Depuis quelques temps, elle avait l'impression de marcher sur des œufs avec lui, sans même savoir pourquoi. « Mais... » Elle ouvrit grand les yeux, cherchant à comprendre où il venait en venir. « Quoi ? » « Je veux dire, comment c'est arrivé ? Tu étais où ? » « Tu insinues que c'est de ma faute ? » Il soupira, se rendant apparemment compte du fait qu'il était allé trop loin. « C'est pas ce qu... » « Eh bien, pour ton information j'étais occupée à changer une ampoule. Ce que tu étais censée faire depuis une semaine. » Après ces mots, elle prit la direction de la sortie, à bout de nerfs